lundi 13 mars 2006


24 ° Jeux de mots, jeux de vilains

Comment avez-vous deviné que je n’étais pas un lecteur assidu du Figaro ?

En tout cas, si France Info n’en avait pas parlé ce matin, je n’aurais certainement pas été chercher sur Internet l’éditorial de Monsieur Nicolas Barré. Mais ce que j’en ai entendu à la radio m’a dressé les cheveux sur la tête. En voici le premier paragraphe :

« Cette semaine, les conservateurs seront dans la rue, contre le CPE. Car il ne faut pas se fier aux apparences. Ce sont les porteurs de banderoles qui ne veulent rien changer, défendent le statu quo et s'agrippent à un modèle social remarquable par l'exclusion qu'il engendre aux deux bouts de la vie active – jeunes et seniors. Au point que l'on se demande : pour qui roulent-ils au juste, ces militants de l'immobilisme, sinon pour le maintien de la fracture qui caractérise notre marché du travail entre salariés surprotégés et main-d'oeuvre surprécarisée ? »

Fin de citation.

La droite a beau faire, elle n’arrive pas à nous convaincre qu'elle est initiatrice de progrès social et d'humanisme partagé….

Avant-hier M. Goasguen nous parlait « d'étudiants politisés » (voir article 22), aujourd'hui, le Figaro renonce au mot « conservateur » qui constitue pourtant l’essentiel de son fonds de commerce, pour l'attribuer à la gauche et tente de renverser le schéma pour se placer dans le camp des progressistes…La couleuvre me paraît un peu grosse…

Car si le modèle social que défendent les manifestants est effectivement « remarquable par l'exclusion qu'il engendre », c'est tout de même certainement plus par la faute des sympathisants du Figaro que par celle des jeunes qui tentent aujourd'hui d'en préserver leur avenir… Puisque Monsieur Barré travaille dans un journal, je le suppose journaliste, et il n'a donc pas pu manquer de remarquer que la dissolution du code du travail était une requête opiniâtrement formulée par le patronat…

Ce n'est pas en transformant le monde du travail en jungle, uniquement soumis à la loi du plus fort que l'on va protéger les plus faibles et lutter contre la précarisation… N'oublions pas que l'idéal du patronat est de considérer le travailleur comme une machine pensante et rien de plus, ce qui lui permettrait de la jeter à la casse des qu'elle cesse de lui être utile. Utile… Pardon : rentable.

Quand on voit l'avenir que ces gens réservent au code du travail et à nos plus élémentaires protections sociales, c'est effectivement pratiquer une sorte d'immobilisme que de se cramponner aux avantages acquis… J'utiliserai même le mot « résistance » avec toute la noble connotation qu'il contient.

Heureusement, il est un mot que Monsieur Barré n'a pas osé employer : le mot « égalité ». Cela m'aurait permis de lui rappeler que l'égalité ne s'établit pas par le bas, et que ce n'est pas en répandant la précarité qu'on va lutter contre elle…

Ce n'est pas parce que « certains pays » ont adopté ce type de lois libérales qu'elles doivent forcément constituer une panacée. Lorsque nous avons fait la révolution française, aucun pays ne l'avait faite avant nous de cette manière, et nous avons tout de même franchi là le premier pas vers l'émancipation de tous les individus et l'égalité des citoyens. Souvenons-nous aussi que les pires dictatures sont toutes des systèmes qui se prétendent « à vocation sociale ». Méfions nous du prêt à penser et des solutions clés en main.

Même si le système du CPE s'appliquait dans toute sa rigueur, il existerait toujours des millions de mètres carrés de bureaux climatisés remplis de millions de ronds de cuir qui en seraient d'autant plus partisans qu'il ne se sentiraient pas concernés…

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