vendredi 8 septembre 2006




59° La machine à perdre.


À peine la campagne des élections de l'an prochain est-elle officieusement commencée que déjà, la machine à perdre tourne à plein régime.

À gauche, alors qu'on se demandait avec inquiétude où on allait pouvoir aller chercher un candidat qui tienne de la route, on voit surgir de la façon la plus inespérée une Ségolène portée par les sondages qui n'a pas plus de défaut que les autres, quelques petits atouts dans son sac à main, et qui est surtout la seule qui rivalise dans les sondages avec le petit démago karchérisateur.

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Au moment où il semble donc le plus urgent de se ranger derrière elle, de coordonner les courants du parti, de se mettre en ligne de bataille, d'équilibrer la sensibilité des uns et des autres pour que toutes puissent bénéficier de ce providentiel élan médiatique, que voit-on ? Coup de pied en vache, ruades d’âne, empoignades de pinces de crabe, sarcasmes tueurs et autres commentaires de bistrot qui déshonorent un parti qui était parvenu aux marches du palais, mais semble maintenant incapable d'en gravir le perron.

Le comble du désastre étant cette réflection « de politologue » : « Ségolène n’est qu’une bulle médiatique, lorsqu’elle sera passée, on refera enfin de la politique sérieuse ». Ces benêts se rendent-ils donc pas compte que c'est précisément ce qu'ils appellent « de la politique sérieuse » qui détourne l'intérêt des Français de la politique tout court et de leurs hommes politiques ?

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La chasse au micro tous azimuts est ouverte, mais le subtil raffinement chez les socialistes consiste à parler en ne disant rien. L'ermite de l'île de Ré parle des heures pour ne rien dire d'autre que « je suis là ! », et le vieillard frisé et plus rose que rose semble plus préoccupé de trouver des podiums accueillants que de débrouiller le chômage qui sévit dans le Pas-de-Calais qui a bien voulu l'élire. Il était hier soir chez Ruquier sur la 2, et il y a été encore plus odieux que d'habitude.

À droite, le petit démago semble insatisfait de la position pourtant prédominante que son opiniâtreté et ses discours de café du commerce lui ont permis de conquérir. En glouton vorace de l'électorat, le petit Nicolas prétend engranger à sa gauche et à sa droite des voix qui ne lui appartiennent pas, sans se rendre compte qu'en séduisant d'un côté, il démotive de l'autre, que ses clins d'oeil à l'électorat de Le Pen donnent de l'urticaire aux centristes atteints de tentation sécuritaire, et que ses gesticulations sociales jamais suivies d'effet l'éloignent à la fois de l'extrême droite par leur principe et du centre « social » par leur vacuité. Qui trop embrasse mal étreint.

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Chaque camp guette le soutien des personnalités du showbiz. Là encore, chacun reconnaît les siens : les chanteurs qui ont quelque chose à dire s'engagent volontiers à gauche, et les héros de la presse people a droite. On a beau faire, les tribunes des candidats de droite sont hantées par des Line Renaud, des Michel Sardou, des Clavier - Reno et des Johnny Hallyday…, qui trouvent sans doute dans cet auditoire un public à la hauteur de leur philosophie…

On a même parfois la désagréable impression que ces étranges allégeances ressemblent fort à un renvoi d'ascenseur en échange de quelques grâces fiscales que les intéressés seraient venus quémander auprès d'un pouvoir qui applique à la lettre le « plus c'est gros, mieux ça passe »

Il y a même des couacs amusants : cette alliance contre nature de Sarkozy et de Doc Gyneco est le prototype de l'échec intégral de communication, le modèle du catalogue des « foutages de gueule », comme disent nos adolescents.

Assurément, ce coïtus mediaticus n'apporte pas le moindre bénéfice sur aucun tableau et pour aucun de ses protagonistes.

Sarkozy se fâche avec sa police en recevant le soutien d'un rappeur qui proclamait il n'y a pas si longtemps « je kiffe quand les keums cannent ». Un groupe marseillais a été, si je ne m’abuse, récemment condamné pour des propos de cet acabit. Le Canard enchaîné nous gratifie en première page d'un long article bien documenté qui démontre à quel point le seul point commun de Sarkozy et de doc Gyneco consiste à parler dans un micro. Sorti de là, l'ensemble du discours de l’un contredit point par point le message de l'autre, vice versa et réciproquement.

Car ce n'est certainement pas parce que doc Gyneco a fumé un joint avarié que le peuple des banlieues va se mettre à voter pour son « petit maître à penser » ! Par contre, lorsque le rappeur qui aime tant les femmes qu'il en devient misogyne aura besoin de fans pour remplir une salle de concert, nul doute que ceux-ci sauront lui rappeler amèrement ses relations mondaines en restant dans leurs halls d'immeubles au lieu de venir garnir ses gradins !

Lorsque le petit Nicolas se retrouvera devant le public de bobos effarouchés qui constitue l'essentiel de son électorat, on ne manquera pas non plus de lui rappeler qu'il s'est quelque peu encanaillé avec un personnage de bandes dessinées. Il y avait déjà eu du mal à faire passer son amitié pour Cruise le scientologue, je doute qu'il arrive un jour à imposer un rappeur, -- surtout celui-là --, à la bande de paranos dont il est le porte étendard.

C'est curieux comment les petit Nicolas excellent dans l’art de tout perdre pour avoir voulu trop posséder. J'avais jusqu'à cet été un délicieux petit camarade qui répondait aussi au nom de Nicolas, et qui pensait que Dupont ne l'entendait pas lorsqu'il parlait à Durand, qu'il pouvait dire à chacun le contraire de ce qu'il disait à l'autre sans que jamais l'imposture ne soit découverte et que jamais les fils des mensonges qu'il déroulait derrière lui ne s'entremêleraient… Mais ceci est une autre histoire……



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