mardi 17 octobre 2006




64° CABU


Ou comment rater une exposition.








La mairie de Paris nous propose jusqu’en janvier 2007 une exposition gratuite dédiée au dessinateur Cabu. Cela se passe à l’Hôtel de Ville, côté rue de Rivoli.

D’après le dépliant remis aux visiteurs, Cabu n’aurait jamais fait l’objet d’une exposition personnelle. C’était donc une excellente idée de réparer cette lacune.

Dessinateur hors pair, armé d’un coup de crayon simple et définitif, Cabu est à la fois un grand poète amoureux de Paris et du jazz, un commentateur majuscule de l’actualité politique et sociale, un observateur vigilant du monde qui l’entoure, de ses injustices, de ses incongruités et de ses inégalités , bref un monsieur tout à fait indispensable.


.Il a dessiné partout, depuis son plus jeune âge, y compris en direct à la télévision pour illustrer des talk-shows. Ses principaux supports restent le Canard enchaîné, Charlie-Hebdo et Hara Kiri, même s’il a gratifié de son coup de plume des journaux aussi variés que le Figaro ( avant M. Hersant ), Paris Presse l’Intransigeant et Pilote.

Seulement voilà…si le personnage et son œuvre méritaient une grande exposition, eh bien ils ne l’ont pas eue. Local trop exigu, mauvaise disposition des pièces exposées, éclairage manqué. Cabu pourrait se payer le luxe d’une bande dessinée humoristique sur les aléas de sa propre exposition, où le visiteur se retrouve un peu malgré lui dans le costume de Monsieur Hulot.

D’abord, il n’y a que 150 places, et de draconiens vigiles ne laissent entrer les candidats à l’extase qu’au compte-gouttes. Ensuite, il y a une fouille digne d’une compagnie aérienne américaine. Une petite clé passée dans la doublure de mon blouson à travers un trou de ma poche a empêché mon décollage jusqu’à l’élucidation totale du mystère. J’ai osé penser un instant que c’était la fermeture éclair qui faisait sonner le zinzin à tue-tête, mais non : la machine sait faire la différence entre les fermetures éclair et les clés ! J’ai donc bloqué tout le système trois minutes à mon corps défendant, et en même temps tous les braves gens qui attendaient derrière moi. Excusez moi Messieurs dames…

Ensuite, les dessins, au lieu d’être accrochés aux murs ou sur des panneaux verticaux, ce qui permettrait à plusieurs personnes de les regarder simultanément, sont, pour les trois quarts d’entre eux, disposés dans des vitrines très basses genre bijouterie, ce qui limite leur contemplation à un seul élu à la fois, et ce au plus grand dam de son lumbago.

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Et encore non sans difficulté : c’est là que le spectre de M. Hulot vient hanter l’exposition. Si vous vous penchez sur la vitrine pour observer le dessin qu’elle contient, votre tête se place impitoyablement devant le spot mesquin prévu pour l’éclairer, et plonge dans une ombre désolante le chef-d’œuvre convoité. Donc, changement de tactique : vous vous dites : « je vais me mettre légèrement sur le côté, ce qui permettra au spot d’éclairer la vitrine, et je pourrais sans doute voir le dessin un peu de travers certes, mais le voir quand même ». Tout faux ! si vous vous mettez sur le côté, le spot se reflète dans la vitrine dont le verre n’est pas antireflet, et le dessin reste caché derrière une tache éblouissante.

Alors, vous vous dites : « Je vais reculer d’un pas, ce qui permettra peut-être à mon regard de croiser les rayons lumineux sans encombre, et je vais enfin pouvoir voir ce que je veux voir ! ».

Encore perdu ! D’abord, en reculant, vous écrasez le pied du visiteur qui attend impatiemment son tour derrière vous pour se pencher sur le saint des saints, et ensuite vous libérez devant vous un espace qu’un troisième larron vient immédiatement occuper pour constater à son tour les problèmes que vous venez de rencontrer.

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Comme tout le monde est excédé par la longue file d’attente, la fouille drastique, et la nouveau poireautage devant chaque vitrine, l’humour de Cabu a bien du mal à dérider l’ambiance et les engueulades vont bon train.

Une demi-douzaine de dessins ont la chance de se trouver encadrés sur les murs, mais là encore, le verre brillant superpose tout le reste de la pièce en reflet sur les dessins que vous regardez. Quatre cadres sont placés face-à-face deux par deux dans des sortes de niches ouvertes. Là, pour en regarder un, il faut se placer devant l’autre. Le rendement est donc pire que dans les vitrines où une seule personne monopolise chaque dessin ! Dans les niches, un visiteur « bloque» deux cadres !

Après ce parcours du combattant, un coin de l’exposition propose un court-métrage d’une douzaine de minutes, mais seule une dizaine de places assises permet de se reposer les jambes en regardant l’artiste. Et dans la dernière pièce, il y a la boutique. –là, je ne me suis pas attardé mais j’ai eu l’impression en passant qu’il y avait beaucoup plus de lumière, beaucoup plus de place devant les objets exposés, bref des conditions bien meilleures pour faire une exposition…

Cabu, écoute-moi : prends vite ton bloc-notes et tes crayons, et vient vite nous gratifier des « tableaux de ton exposition » ! Tu ne le regretteras pas, et nous non plus…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

absent depuis un moment je reprend tes articles avec beaucoup d'interet....bravo.amities.