dimanche 21 janvier 2007

79 Les embarras de Paris.


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Immortalisés par Boileau en alexandrins, les embouteillages de Paris étaient déjà célèbres au XIII° siècle, mais c’était du « travail d’amateur ».

Maintenant que nous avons des Delanoe et des Baupin pour les organiser, on peut rivaliser sans honte avec les manèges d’auto tamponneuses les plus professionnels. Jusqu’à présent, pour habiter Paris, il suffisait d’être assez riche pour s’y offrir la jouissance de quelques mètres carrés. C’était déjà beaucoup, me direz vous, mais ça ne suffit plus. Maintenant, il faut en plus posséder une aptitude physique qui permette de faire du vélo et d’escalader dans la bousculade les escaliers du métro. Bientôt, tout nouvel impétrant devra se soumettre à une visite médicale –renouvelable tous les trois ans – qui déterminera s’il est capable de se passer d’un véhicule pour sa vie courante.


Si vous avez une grand-mère qui habite Paris et que vous aimez aller la chercher en voiture de temps en temps pour l’emmener à la campagne, attendu qu’elle paie volontiers le restaurant, commencez tout de suite à organiser l’exode. Pareil pour l’emmener chez le médecin ou au spectacle : si Mémée ne fait pas du vélo, c’est râpé.

D’ailleurs, c’est dangereux de la laisser habiter là. Imaginez que pour traverser le boulevard Saint Marcel, il faut maintenant franchir quatre files de circulation alternées zigzagant entre des ronds points facétieux au lieu de deux bien droites précédemment. L’autre côté du boulevard est devenu une sorte de terre promise, une zone accessible seulement au pris de grands périls ou de longs détours. Tant pis si le boulanger tient boutique en face : vous apprendrez à vous passer de pain. C’est excellent pour la ligne.

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Prenez les transports en commun, qu’ils nous disent. Quels transports en commun ? Vous voulez aller souper en sortant du théâtre ? Pouf ! Le dernier métro passe alors que vous n’en être qu’au fromage, et ce serait une bénédiction si vous en étiez réduit à rentrer en taxi : essayez donc d’en trouver un à une heure du matin !

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Ce n’est pas avec un métro qui roule jusqu’à 2 heures le samedi que les choses vont s’arranger. C’est tous les jours qu’il devrait rouler jusqu’à deux heures, et jusqu’à 4 heures le vendredi et le samedi. Le tout avec une sécurité réellement assurée.

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La ligne 13 du métro est l’objet de toute la sollicitude de nos édiles. Forcément, elle est restée un peu en retrait des améliorations, attendu qu’elle relie les pauvres du nord (Saint Denis) aux pauvres du sud (Malakoff) en passant par Saint-Lazare qui est la gare la plus « ouvrière » de Paris. Alors, nos édiles ont pris de grandes décisions : Comme nous l’explique savamment « Le Monde » du 18 janvier, page 12, Pierre Mongin, directeur de la RATP veut adopter une signalisation turbo qui permettra de réduire l’intervalle entre deux trains à 95 secondes, au lieu des 1 minute 35 actuelles. C’est écrit dans « Le Monde » qui est tout de même un journal sérieux… Avec un tel bond en avant, à défaut de nous ramener à la maison, le métro nous transporte de joie. Je me souviens des grandes grèves de 1995, concoctées par un certain Juppé (Vous vous souvenez ??, Il revient, en douce, vous avez remarqué ?) Partout dans le métro fleurissait cette affichette : « La RATP et la SNCF ne vous transportent pas, elles vous roulent ». La qualité de ce slogan avait un petit parfum de mai 68.

D’ailleurs, c’est en voulant aller trop vite qu’on fait du sur-place : le même article du Monde nous apprend que le système « Ouragan » qui devait autoriser ce prodige a été quelque peu bâclé par son concepteur Alcatel, au point que sa mise en service a été repoussée à 2011 pour des raisons de sécurité.

Notre luxueux tramway fait un quart du tour de Paris, qui n’était pas celui où la ligne de bus qu’il remplace, le « PC » était la plus fréquentée… Sans doute un de ses initiateurs avait-il son bureau ou son appart dans le coin ? On attend avec impatience ses prolongations dans les deux sens.

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Les rues rétrécissent et les automobilistes qui s’aventurent à naviguer entre les ronds points comme une bille de flipper entre les champignons les heurtent souvent. Le parallélisme de leur voiture en souffre, et on s’étonne donc de la recrudescence de « freinages en huit » et de défauts constatés lors des contrôles techniques.

Soucieux de m’élever au dessus de cette pagaille, j’ai transformé la moto de ma jeunesse en scooter pour circuler aisément dans notre capitale, aller où je veux quand je veux et rentrer chez moi sans encombre à l’heure qui me plait. Je ne suis pas le seul, puisque je découvre depuis quelques années avec stupéfaction que si on veut se donner la peine de stationner son scooter sans gêner personne ni obstruer aucun passage, on a carrément des problèmes. Les places « prévues à cet effet » par des technocrates qui semblent ignorer qu’on ne peut pas béquiller un deux-roues sur un terrain en pente mesurent 1,90 m de long alors que ma machine, strictement réglementaire et d’usine, mesure 2,63m. La police verbalise les motos stationnées sur les trottoirs même là où elles ne gênent pas, évidemment motivée part quelques incorrigibles qui persistent à garer la leur bien en travers pour qu’on la voie bien…

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Les cyclistes, eux, peuvent faire tout ce qu’ils veulent : rouler sans éclairage en sens interdit, griller les feux rouges, aucun problème. Un panneau a même été inventé qui leur accorde dérogation pour les sens interdits. Il faut être inconscient pour imaginer de tels panneaux : la sensation d’impunité qu’ils donnent aux joyeux pédaleurs leur confère une arrogance sans égale. Mais il y a longtemps que la raison et le bon sens ont été oubliés dans ce débat.

Les nouvelles mesures ressemblent plus à une fuite en avant qu’à un programme rationnel : interdire les voies sur berge aux voitures, créer des files réservées sur le périphérique alors qu’il faudrait doubler sa capacité.

Rejeter les voitures à l’extérieur ? Sans parler des problèmes que l’on aura pour maintenir la clientèle des commerces parisiens, il faudrait faire plus qu’en parler : le super-périphérique, l’A86 est complètement saturé, et comporte le plus gros bouchon d’Europe, à son intersection avec l’A4 à Nogent, bouchon connu depuis 20 ans dont la solution passe soit par un doublement du viaduc de Nogent (pas « écolo ») ou le percement d’un tunnel (trop cher). On s’empresse donc, depuis 20 ans, de ne rien faire. Résultat : la querelle des propres et des radins provoque une stagnation de véhicules sur trois files, dont 30% de poids lourds, sur une distance excédant souvent les 15 km….

Alors, des solutions propres et tout, je suis tout à fait pour, mais à condition qu’on le fasse vraiment ! En arrêtant de dire par exemple que les deux roues polluent plus que les voitures, ce qui est doublement faux : non seulement leur cylindrée est très inférieure, mais à parcours égal, leur temps de fonctionnement est très inférieur aussi. Un samedi après midi, Bastille – Etoile en voiture = une heure et demie, et en scooter un quart d’heure !

Il faut arrêter aussi de croire aux « miracles » qui ne sont que des arguments d’industriels en quête de nouveaux marchés : le carburant agricole, c’est de la rigolade : il faut mettre un litre de gazole dans le tracteur et dans la moissonneuse pour produire un litre du précieux élixir ! La voiture hybride, à cause de ses batteries, est épouvantable à recycler lorsqu’elle est hors d’usage. Sa destruction et la gestion de ses matières chimiques dépensent largement le carburant qu’elle a économisé pendant qu’elle roulait.

Il y a sans doute quelque chose à trouver. Pour inciter les gens à prendre des transports en commun, il faut qu’ils existent, qu’ils roulent à toute heure, qu’ils soient propres, sécurisés et climatisés. Pour diminuer la pollution des voitures, il faut leur donner la place de rouler au lieu de stagner. Et pour en finir avec le pétrole, il faut se coltiner les compagnies pétrolières qui jugulent et étouffent la recherche d’énergies nouvelles.

Et alors qu’on parle, - à juste titre mais on ne fait qu’en parler, hélas-, de revenir aux péniches et aux trains pour remplacer les camions, pourquoi ne parle-t-on pas plus fort de revenir au bateau pour remplacer l’avion, qui reste un grand pollueur de l’atmosphère ? Non, ça empêcherait le ptit bourgeois enfin parvenu qui vote écolo pour être à la mode d’aller aux Seychelles dans la journée avec un vol bon marché…

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