mercredi 30 janvier 2008

146° Bling Bling Titanic

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On a beaucoup parlé d'iceberg ces derniers jours entre ma poire et mon fromage. Même jusque sur mon oreiller.

Ça a commencé lorsqu'on a entendu les premières informations sur ce trader en folie de la Société Générale. Et j'ai pensé tout haut que cette histoire basée sur l'accusation d'un seul homme n'était que le début d'une saga dont on parlerait longtemps, et aussi l'infime partie émergée d'un iceberg dont l'immensité allait se révéler de jour en jour, et qui, en basculant, va balayer d'une vague géante des rivages qui se croyaient à l'abri.



C'est un peu maladroit de parler de tache d'huile pour un iceberg, malgré la mode des marées noires, mais vous verrez qu'on n'a pas fini avec cette histoire. Dans l'état actuel des choses, l'affaire m'inspire trois idées essentielles.

La première est que Sarko-tgv a encore perdu une belle occasion de se taire, une de plus, en réclamant la tête de Daniel Bouton. De quoi se mêle-t-il? La Société Générale est une entreprise privée. Il y a donc, au titre de la séparation des pouvoirs qui est un des fondements de la république, deux instances à même de décider du destin de son PDG: Le Conseil d'administration qui représente les propriétaires de l'entreprise, et la justice, seulement si elle relève une irrégularité dans les actes de monsieur Bouton lui-même, et non dans ceux de ses subordonnés. Tout le reste n'est que spectacle de rue et toute autre intervention en la matière constitue une ingérence résultant de quelque fantasme bonapartiste qui relèvent, suivant les analyses, ou de la psychiatrie ou du Conseil d'Etat.

La seconde est l'imbécillité profonde du principe de la rémunération à la tâche et au rendement. Au nom de cette idée stupide, les traders prennent des risques inconsidérés, les routiers, coursiers et livreurs conduisent trop vite et provoquent des accidents, les ouvriers désactivent les sécurités pour faire tourner la machine plus vite et y perdent des doigts et des mains, et les policiers s'acharnent sur des infractions bénignes mais faciles à constater au détriment d'une délinquance réelle, laissée à l'abandon parce que son traitement n'enrichit pas si bien les statistiques. Si nous avons un jour un gouvernement vraiment courageux et réformiste, qui préfère les vrais actes aux gesticulations, il interdira la rétribution au rendement.


Car la troisième idée est en corrélation avec les précédentes: En ravalant les gens au rang de rouages et de machines, en privilégiant la quantité à la qualité, en ne reconnaissant pas la valeur propre des travailleurs qui réside largement dans leur légitime besoin de reconnaissance, en les poussant dans leurs derniers retranchements, jusqu'aux pressions et harcèlements qui génèrent des suicides, nos dirigeants ont une politique absolument contre productive. Le travail, comme l'économie en général, doit rester un moyen, pas une fin en soi, et il faut l'organiser autour de l'homme, et pas l'inverse.

Occasion pour en finir avec ce culte des « capitaines d'industrie »auxquels rien ne devrait résister, qui détiendraient un pouvoir magique sans lequel rien n'existerait, et qu'il convient, en conséquence, d'idolâtrer comme des grands prêtres d'un système en folie et de couvrir d'or quoi qu'il arrive, et même lorsqu'ils échouent. Que serions-nous sans eux? Mais que seraient-ils sans nous?

Car jusqu'à nouvel ordre, la tournure que semble prendre « l'affaire de la Société Générale » est bien que les dirigeants sont aussi prompts à tolérer les écarts de leurs subordonnés lorsque ça les arrange qu'à les transformer en bouc émissaire au moindre raté. La suite nous dira si les choses sont bien comme je les sens....




La seconde allusion à l'iceberg entre ma poire, mon fromage et mon oreiller, relève directement de l'histoire du Titanic. Sarko a-t-il touché l'iceberg? En tout cas, la version la plus optimiste est que le roi du monde fonce vers lui avant tant d'élan et de détermination que la collision, si elle n'a eu lieu, est d'ores et déjà inévitable.

Le processus me semble engagé. Quel événement révélera aux passagers inconscients du danger la réalité du naufrage? Un nouveau soulèvement des banlieues? Une « masse critique » qu'atteindra infailliblement le « club des déçus » qui a encore recruté ce matin les chauffeurs de taxi? Bienvenue au club, les gars!

Dans mon billet n° 143, il y a donc à peine quinze jours, je parlais des « déçus du sarkozisme » dont le cortège allait grandissant, par allusion aux « déçus du socialisme » des années 80, ce très beau slogan inventé par la droite pour matérialiser un fantasme qui a quand même conduit à la réélection de Mitterand au virage suivant.

Comme quoi je suis modéré, quoi qu'on en dise. Le Nouvel Observateur titre cette semaine sur la « Sarkophobie ». Un gros titre qui occupe toute la une, accompagné d'une liste abrégée d'échantillons « Déçus, moralistes, humiliés, républicains, laïcs ». Il est vrai qu'on peut quasiment faire entrer toute la France dans l'une de ces têtes de chapitres.

Et là, ce n'est assurément pas un slogan, car où est la gauche capable de l'inventer et de le véhiculer? Certes, le Nouvel Obs est bien de gauche, mais il n'est pas « la gauche », et son titre coiffe un article de fond qui reprend tous les grincements du régime depuis son lancement jusqu'à leurs conséquences aujourd'hui et allume un anti-brouillard vers le futur proche.



Les effet pervers de « l'ouverture », les conséquences néfastes de la tentative d'effacement du « clivage gauche-droite » qui apparaît de plus en plus comme un hold-up manqué, le favoritisme à l'égard des nantis au détriment d'un ensemble « petits revenus » qui s'élargit de plus en plus aux classes moyennes en voie d'appauvrissement, les retours de manivelle de l'atlantisme, dont je crains d'ailleurs bien que les manifestations les plus cruelles restent à venir, l'amertume d'un peuple où même les croyants sont très majoritairement attachés à la laïcité, le mépris des citoyens pour le dévoiement de l'image de ses élus dans le bouillon médiatique du bling bling et du paraître, la promenade en bateau dont l'invitation renouvelée chaque matin par une nouvelle gesticulation-changeons-de-sujet ne « cache plus la merde au chat », mais s'en rendent-ils compte?


Bling Blink?


A propos de bling, deux thèses s'affrontent, aidez- moi à les départager.

Première thèse: bling bling serait une onomatopée du bruit de gros bijoux qui s'entrechoquent.

Deuxième thèse: blink blink vient de l'anglais « to blink » qui signifie clignoter, miroiter.

La première thèse semble l'emporter, bien que je soies plutôt partisan de la seconde. Ceci dit, Sarko-moi-je nous démontre à chaque instant que ce n'est pas parce qu'une thèse l'emporte qu'elle est justifiée! Qu'en pensez-vous?

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Bling bling" veut dire au départ en anglais "bijoux, quincaillerie". Il vient de l'argot Noir américain des Pimps (maquereaux), et est l'onomatopée de bijoux qui s'entrechoquent. Le mot bling bling a été popularisé par les groupes de gangsta-rap. Il est apparu dans la presse musicale française à propos des rappeurs avec leurs grosses chaînes. Le deuxième sens de bling bling est "tape-à-l'oeil". Le verbe "To bling bling" signifie "frimer, taper la frime".