mardi 25 novembre 2008

217° Les voyages forment la jeunesse.

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Allant ce soir chercher un jeune amant au Lycée Voltaire, près du Père Lachaise, j'ai pu assister à une scène surréaliste...


Un escadron de « Jeunes Pop », division lycée, était venue jusque dans ces bourgades inhospitalières distribuer des tracts pour le parti de papa et convaincre ces jeunes gens encore récupérables, puisque scolarisés, de prendre leur carte à l'UMP.



Cela donnait des dialogues dont on aurait pu faire une pièce de théâtre. Les pulls en Burberry parlent aux survet en contrefaçon de Nike, les chaussures Parkerson couinent le cuir pleine fleur au milieu des baskets délacés.


Évidemment, dès qu'on creuse un peu, il y a de lourdes incompréhensions. Beaucoup d'élèves de ce lycée technique ont d'autres soucis que de prendre leur carte dans un parti dont ils comprennent mal le discours. Remplir le frigo, acheter les fournitures scolaires et finir le mois, ça occupe forcément en priorité, et comme ils ne lisent pas le Figaro, ils s'obstinent dans des raisonnements terre-à-terre et persistent à ne pas comprendre que le pouvoir travaille à les aider. Les pauvres, - c'est le cas de le dire.


  • Ah, ton père est chômeur?

  • Ton frère est sans-papiers?

  • Ta mère travaille?


Quel monde étrange ! Si près de la maison!


Jusqu'au moment où ils sont tombés sur des garçons vraiment politisés, et qui savaient bien pourquoi. Et là, réciter les slogans des jeunes pop, le catalogue de promesses de Sarko et parler de l'immigration contrôlée, ça tombait à plat. Parce que devant les beaux discours, il y avait un père sans papiers, un frère chômeur, un voisin expulsé, un smic pour cinq, des fins de mois difficiles, une voiture sans essence, un pédé de service allergique à Vanneste, un huissier à la porte, des loyers impayés....


Joli dialogue de sourds à côté duquel celui du parti socialiste n'a rein à envier. Pourtant, le ton n'a vraiment monté à aucun moment. Les lycéens de Voltaire ont parlé de leur famille, de leurs difficultés, les neuilléens les ont écoutés, moitié par gentillesse, moitié faute d'avoir quelque chose à leur répondre, les phrases toutes prêtes et autres slogans de l'argumentaire du bon petit militant qu'ils avaient appris par cœur ne répondant pas aux vraies questions de la vraie vie.


Précisément, ce matin même, la justice a condamné « Droit au Logement » et « Les Don-Quichotte » pour avoir trop défendu les SDF. Comme le sujet était tout frais, la démonstration est venue toute seule, imparable: « non content de produire la pauvreté, le système la condamne pour la cacher, fait taire les malheureux qui se plaignent, enfonce la tête de ceux qui ne se noient pas assez vite. »


Là, il y a un slogan, de gauche, imparable: « Au lieu de s'attaquer à la pauvreté, on s'attaque aux pauvres ». Le manuel du petit umpiste ne sait pas y répondre. L'un d'eux avance qu'on est pauvre parce qu'on est paresseux. Un peu léger, un peu éculé et beaucoup enculé. Les autres le font taire en évacuant l'injure dans un mauvais humour.


Et finalement, tous ces jeunes gens des beaux quartiers n'ont pas fait le voyage pour rien, ce ne sont pas eux qui ont apporté la bonne parole, mais plutôt eux qui l'ont ramenée à la maison.


Les échanges qu'ils ont eus sur le trottoir du boulevard Voltaire suffiront-ils à les faire changer d'avis? Sans doute pas. Il y a du génétique là-dedans. Et puis, il faut tenir son rang dans les beaux quartiers, ça paie. Si on veut que papa paie vacances au ski, ordinateurs, scooters, et une Smart ou une Mini Clubman le jour du permis de conduire, il ne faut pas chanter l'Internationale dans les rues de Neuilly.


Et même si un de ces charmants jeunes gens venait soudain à se convaincre d'idées humanistes et s'imprégner de convictions de gauche, il ne pourrait sans doute pas l'assumer dans son environnement. Il y perdrait pas mal de copains, et même peut-être quelques bribes d'héritage. Il y a un point de non-retour au-delà duquel on ne peut plus changer d'avis sans rupture avec ses racines, et l'échantillon sympathique et parfumé que nous avions sous les yeux était manifestement carrément né de l'autre côté de cette frontière! On choisit ses amis, mais pas sa famille.



Néanmoins, messieurs de l'UMP, votre idée est excellente de nous envoyer vos rejetons pour discuter avec le reste de la France. C'est mieux que les croisades qui vous ont tant occupé jadis. Car si les jeunes de chez nous vont militer dans vos beaux quartiers, on leur rira au nez – au mieux -.


Tandis que s'ils viennent chez nous discuter, nous, on les écoute, on leur explique la vie, et ils rentrent à la maison enrichis de nouveaux savoirs, d'expériences sociologiques, (sexuelles, peut-être?) et même peut-être d'un peu d'humanisme qui pourra toujours leur servir un jour.



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