jeudi 27 novembre 2008

218° Des centres de rétention pour les SDF ?

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« Ils veulent une maison, qu'on leur donne une prison ».


Madame Boutin a beau nous dire ce matin que cette idée que je n'ose qualifier de priver les SDF de liberté « pour leur plus grand bien » n'était qu'un thème de réflexion, on reste stupéfait en découvrant à quoi elle pense quand elle réfléchit, et effondré en constatant que nos ministres pensent des choses pareilles à haute voix.


D'ailleurs, celui de ses collaborateurs qui s'était fait choper il y a quelques mois à occuper un vaste HLM auquel il n'avait pas droit n'était-il pas, lui aussi, un grand catholique pétri de charité et de solidarité chrétiennes?


http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/01/17/01001-20080117ARTFIG00338-l-ex-collaborateur-de-boutin-prie-de-demenager-.php


http://www.prochoix.org/cgi/blog/index.php/2008/01/02/1881-bolufer-se-moque-du-monde


Pour ma part, je pense que ce n'était pas « une réflexion à haute voix », mais tout à la fois l'amorce d'une idéologie qui nous menace si on n'y prend pas garde et aussi un petit test qui se voulait anodin des éventuelles réactions de l'opinion publique.


Pour le test discret, c'est raté, et pour l'idéologie qui se pointe derrière, il faut que ça rate aussi.


Car la protection des libertés ne supporte aucune dérogation. La boite de Pandore des exemptions doit rester fermée. Absolument verrouillée sous peine d'assister à l'érosion du droit par un envahissement progressif de cas d'exceptions.


Ainsi par exemple l'abolition de la peine de mort ne saurait souffrir aucune dérogation, aussi larmoyante soit-elle. Car une dérogation pour les « crimes d'enfants » verra remonter petit à petit l'âge limite de l'enfance et se greffer d'autres circonstances; une dérogation pour « acte de terrorisme » verra insidieusement la notion de terrorisme s'enrichir au fil des année de notions de crime contre l'état, de sédition, etc... Lorsqu'on entr'ouvre la porte des cas d'exception, on ne peut plus la refermer, donc on ne l'entrouvre pas.


Car accepter l'idée d'user de la force pour mettre les SDF « à l'abri » quand la température descend au-delà de 6°, c'est accepter le principe de les faire disparaître de nos rues. Il n'y a plus qu'à régler le « thermostat » sur des températures moins rigoureuses, ce qui peut se faire d'un amendement discret une fois que la loi est passée, et adieu le « spectacle » des SDF!


Parce que ce qu'on reproche aux SDF, c'est de matérialiser chaque jour sur nos trottoirs l'impéritie de l'état à abriter ses citoyens, l'incapacité de ceux qu'il a chargé de le faire, et surtout d'interpeller douloureusement notre conscience et de symboliser ainsi notre absence de solidarité républicaine.


Que leur seul spectacle gène les marquises, ça apprend à vivre aux marquises. Non, le problème est que leur existence est le fruit de notre faute collective, de l'incapacité de la république à protéger de la misère les plus faibles de ses citoyens.


Alors, il ne s'agit pas maintenant de les condamner à la privation de liberté pour une faute que nous commettons, nous, chaque jour collectivement. Or notre société tend à faire disparaître les gens dont elle n'a pas besoin, à plus forte raison si leur présence la gène.


On fabrique des chômeurs en délocalisant? Faisons disparaître les chômeurs en compliquant les conditions du maintien des droits aux Assedics. Un chômeur radié = un chômeur de moins.


Ça fait un SDF de plus? Ah zut! Faisons disparaître le SDF. Si ce mauvais coucheur s'obstine à habiter dans un carton en bas de chez nous et se refuse absolument à travailler et à habiter quelque part alors qu'on lui a dit que c'était ce qu'il fallait faire, punissons le pour sa désobéissance. Pour sa révolte, son refus de se conformer aux usages. Enfermons le, nettoyons la voie publique de cette offense à notre conscience.



C'est de sa faute s'il est là. Comme c'est de la faute des quinquagénaires s'ils ne trouvent pas de travail à leur âge. La preuve que c'est de leur faute, c'est que l'on vient de leur supprimer « l'exemption de recherche d'emploi » dont ils bénéficiaient à partir de 57 ans, ce qui les expose à la radiation des Assedic à quelques mois de la retraite. Age de la retraite que, pour faire bonne mesure, on tente d'éloigner par tous les moyens pour qu'il reste bien une terre promise que l'on n'atteint jamais.


Parce que si le brave homme l'atteint, il va encore nous coûter de l'argent. Alors que si on l'égare en route entre la fin des Assedics et le début de sa retraite, eh bien on rallonge ad libitum la période pendant laquelle il ne coûte rien.


Le drame, ce sont ceux qui ont la mauvaise idée de mourir entre temps. Quel manque de savoir vivre! Comme disait Sacha Guitry.


Cette attitude négative et pour le moins peu coopérative fait échouer le plan d'éradication des bouches inutiles. . Car faire disparaître quelqu'un, c'est relativement facile, mais que faire du cadavre? Dès qu'on en trouve un dans le bois de Vincennes, l'opinion s'émeut, les cœurs sensibles s'épanchent en chroniques acides, les républicains honnêtes en blogs incendiaires, et ils en font tout un tintouin à la radio et dans les journaux.


Et patatras. Tout de suite, les « droit-de-l'hommistes » montent au créneau, parlent de liberté et de respect de l'individu, et de tout un tas de notions inutiles et parasites qui nous empêchent d'entasser de l'argent tranquillement et nous obligent même parfois à leur en donner un peu pour les faire taire.



Plus j'en parle autour de moi, et plus je constate l'étendue du dégoût des citoyens pour un système qui cache de plus en plus mal son jeu, et leur répugnance pour notre régime qui le soutient bec et ongles.


Toute médaille a son revers: l'élan que la gauche est incapable de donner pour faire changer les choses en 2012, c'est la droite qui est en train de le susciter avec ce genre de mesures. Et paradoxalement, si la gauche avait su se moderniser en abandonnant la lutte des classes, c'est la droite qui travaille actuellement à restaurer les conditions d'un tel affrontement.




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